Publié sur le site de Sylvie Cancelloni, élue démocrate de Puteaux :
Depuis que nous siégeons au conseil
municipal de Puteaux, nous sommes très attentifs à un dossier qui
revient à chaque séance : celui des "communications du maire". C’est un
bijou de concision dans lequel s’égrènent, sur un ton parfaitement
impersonnel, toutes les affaires pendantes de la ville, parmi lesquelles
les actions en justice et les affaires d’expropriation de la ville.
La
ZAC des Bergères, dans sa phase actuelle de conquête
des parcelles, fournit l’essentiel du triste contingent régulier.
Bien
sûr, les expropriations sont au service d’une cause plus grande que les
cas particuliers que nous évoquons. Ce sera, dans le futur, un quartier
moderne d’habitations, dont quelques HLM. Un tel projet suppose des
sacrifices. Il faut accepter d’y consentir.
Cela donne toutefois
des responsabilités, surtout dans une ville riche comme Puteaux. Car qui
dit expropriation (et parfois même expulsion), dit à chaque fois
arrachement, exil et douleur. Car derrière les pavillons, les petites
entreprises et les immeubles modestes, il y a des vies, des histoires de
famille, des situations uniques, des désespoirs que personne, et
surtout pas nous, n’a le droit d’ignorer ou de contourner.
L’opération
de ZAC aux Bergères, déclarée en 1971, a démarré méthodiquement à
partir de 1998. Entre temps, 17 années se sont écoulées où l’épée de
Damoclès tendue sur le quartier a gelé sa valeur et contraint locataires
et propriétaires à vivre dans un temps bizarre entre pas-encore et
déjà-là. Rien n’a été entretenu, pour cause, et s’est délabré peu à peu.
A
partir de 1998, avant que les procédures ne commencent, nombreux sont
les témoignages qui remontent faisant part de « pressions honteuses »,
de « destructions organisées » de grilles, boîtes aux lettres, de «
harcèlement » … Les 10 dernières années sont riches, semble-t-il, de
mouvements de protestation éteints dans l’œuf, de démêlés, de
surenchères, de pétitions … et d’indifférence ! Une seule élue locale
s’est engagée tout au long de ces années aux côtés de tous ceux qui
menaient la lutte du pot de terre contre le pot de fer et les a soutenu
dans des conditions parfois très difficiles. Je tiens à lui rendre
hommage : il s’agit de Madame
Nadine Jeanne.
Depuis
le début de notre mandat il y a deux ans, nous sommes effarés par le
nombre de "communications" d’expropriations et le caractère très
angoissé des demandes de soutien qui nous parviennent discrètement,
faisant état d’une grande solitude face à l’administration. Nous avons
demandé en conseil municipal au maire de Puteaux quelle était sa
politique d’accompagnement et si une cellule existait pour tous les cas
difficiles.
Sur le ton acide de maîtresse d’école qu’elle nous
réserve toujours, elle nous a répondu qu’elle ne « laissait personne sur
le carreau » et qu’il y avait une cellule de longue date pour cela.
C’est
faux. Totalement. Vous pouvez toujours partir à sa recherche dans les
services communaux… Non seulement elle n’existe pas, mais les effectifs
du service d’urbanisme ont été réduits à leur plus simple expression.
Depuis que le maire est en place, l’accompagnement se situe au niveau
zéro, et même pire, malgré, il faut le souligner, l’évidente humanité
des employés municipaux qui n’ont aucune marge de manœuvre et ne sont
soutenus par personne.
Nous sommes quand même dans une terre de
droits. Une procédure d’expulsion a ses règles. Chaque départ est bien
sûr indemnisé : sous forme de relogements pour les locataires, et
d’indemnités pour les propriétaires. Cela rassure tout le monde. Mais ce
langage de droit ne dit rien de tout ce qui se passe à la marge. Les
compensations versée au propriétaire, sur la base des Domaines qui sont
toujours sous-évaluées, surtout dans un quartier qui a perdu toute
valeur depuis 1971, ne lui permettent pas souvent de se reloger, tant
s’en faut ! Quant aux locataires, en général âgés et de revenus très
modestes, ils attendent sans fin l’attribution d’un logement. Sans
horizon, sans perspectives, dans un quartier en ruine et aujourd’hui
très isolé, où traverser le dernier hiver a souvent été un martyr…
Alors
que fait-on quand tout est bloqué ? Les prix proposés, les logements à
espérer ? Je vous le donne en mille ? On appelle notre déesse
Shiva-aux-1000-bras, Joëlle Ceccaldi-Raynaud, pour lui demander le
secours de son âme affligée par le spectacle de tous ces désespoirs…
Mais il parait qu’elle ne veut plus entendre parler des Bergères, elle
serait saturée. C’est même si difficile d’expulser des gens qui ne
veulent pas qu’elle a délégué ce droit à l’EPAD pour
l’autre
ZAC, celle de Charcot. Au moins, l’EPAD n’aura pas à redouter d’être
pris à parti par des électeurs. Ce sont tous des fonctionnaires !
Notre
maire est présidente des HLM de Puteaux. Mais il n’y a pas d’HLM
disponibles, tout le monde le sait, ou presque. Du moins pas pour eux.
Mais il reste le contingent des HLM de la Préfecture ou la loi Dalo, dit
le maire, ce sera bien suffisant… A l’attente sans fin s’ajoute donc le
désespoir !
Pourquoi est-il si difficile à Puteaux d’obtenir un
HLM quand on a des revenus modestes, qu’on est exproprié ou retraité
sans moyens ? Difficile de répondre : nul ne sait ce qui se passe dans
le Saint des Saints de la commission d’attribution. Présidée par le
maire, sans présence d’aucun représentant de l’opposition, son secret
rend le soupçon facile.
D’autant que les rumeurs vont bon train
sur les rotations d’HLM et que tout le monde ne semble pas obligé
d’attendre 20 ans. N’évoque-t-on pas 60% de personnes à Puteaux dont les
revenus ne justifieraient vraiment pas un logement en HLM ?
N’évoque-t-on pas aussi de grands appartements pour 1 seule personne,
obligée de faire des certificats d’hébergement de lointaines cousines
bretonnes pour justifier le maintien de leur avantage ?
Le
silence et l’opacité qui couvre les dossiers de logements est
aujourd’hui insupportable, surtout au regard de la ZAC. La loi n’oblige
pas le maire à ouvrir la commission à des élus de l’opposition. Mais
sincèrement, lorsqu’on a rien à cacher, pourquoi ne pas choisir la
transparence ? Si vous trouvez une seule bonne raison, donnez-la nous !
L’ancien Préfet du 92, Pierre Bousquet de Florian, ne condamnait-il pas
lui-même,
lors d’une visite à Puteaux pour expliquer la Loi Dalo,
la gestion HLM de la ville ? Et n’expliquait-il pas qu’il avait retiré
de la responsabilité de Puteaux le contingent HLM de la Préfecture pour
une meilleure « fluidité » de leur attribution.
A Puteaux, malgré
les apparences, rien n’a changé : père et fille, qui connaissent leur
ville sur le bout des doigts puisqu’ils ne font que cela et que c’est
l’outil de leur survie, appliquent les mêmes méthodes depuis 40 ans.
Puteaux continue à tricoter sa propre conception du droit. Cela fait 40
ans aussi que les consciences putéoliennes le savent. Et pourtant, les
files d’attente devant le bureau du maire ne désemplissent pas. Quelle
tristesse de nous voir tous devenir complices d’un tel système !
Notre
ville aurait dû être exemplaire sur la ZAC des Bergères qui aurait du
donner lieu à une gestion humaine et respectueuse, comme cela se fait
dans d’autres communes. Anticiper avec sagesse et avec respect la
transformation de ce quartier depuis 30 ans était notre devoir. Au lieu
de cela, nous avons semé la désolation, l’incertitude, l’angoisse et
l’injustice. Au lieu de cela, nous avons un maire qui, devant le défilé
des protestations de la ZAC, déclare devant témoins en avoir «
ras-le-bonbon » des Bergères ! Quant on n’a rien prévu, c’est sûr qu’on
peut avoir cette réaction.
Tard, bien trop tard, nous demandons à
la ville de faire face aujourd’hui a ses responsabilités et de traiter
dès aujourd’hui tous les dossiers en instance, avec le respect dû à des
personnes qui ont souffert, sans les bousculer ni leur imposer des
décisions qui ne leur conviennent pas.
C’est pour nous une
question d’honneur et de décence. C’est pour nous la moindre des choses.
Sylvie
Cancelloni
Conseillère municipale MoDem de Puteaux
(photo :
Flickr)