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Passerelle François Coty de Puteaux : "c’est tout simplement offrir une passerelle au négationnisme"

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Dans une tribune publiée dans le quotidien Libération, l'Historienne Manon Pignot critique à son tour la décision de la municipalité de Puteaux d'avoir honoré François Coty, industriel et "argentier de l'extrême droite française" dans les années 20 et 30. "Honorer sa mémoire en travestissant délibérément la vérité historique, c’est tout simplement offrir une passerelle au négationnisme et à ses valets" écrit-elle.

"Le 8 septembre 2019 a été inaugurée une passerelle reliant le quai De Dion-Bouton à l’île de Puteaux (Hauts-de-Seine). Passée inaperçue, cette information a pourtant été relevée par le Canard enchaîné en décembre dernier. Sur le site de la municipalité, on peut lire l’explication suivante : «La passerelle porte le nom de François Coty, père de la parfumerie moderne. Il fut le plus grand industriel français du parfum au début du XXe siècle et installa une usine sur l’île de Puteaux.» Ce que le bulletin municipal ne précise pas, c’est que Coty fut aussi l’un des grands argentiers de l’extrême droite française dans les années 20, jusqu’à sa mort, en 1934
L’information n’a pourtant rien de secret : il suffit d’ouvrir quelques livres. François Coty bénéficie ainsi de deux pages dans le Dictionnaire historique des fascismes et du nazisme, somme de référence dirigée par Serge Berstein et Pierre Milza (Complexe, 1992). Commanditaire de l’Action française et du Faisceau de Georges Valois, soutien des Croix-de-Feu, Coty avait des ambitions à la fois éditoriales (rachat du Gaulois et du Figaro en 1924) et électorales, les premières se réalisant davantage que les secondes. En 1928, il fonde l’Ami du peuple, «animé par une équipe fascisante, fortement antisémite, placée sous la direction de Jacques Roujon», lequel dirigera ensuite le Petit Parisien de 1941 à 1944, ce qui lui vaudra un exil forcé en Suisse après la Libération (..)".

La suite de cette tribune sur la passerelle François Coty le site de Libération


Passerelle François Coty à Puteaux : protestation de Laurent Joly, historien de l'antisémitisme

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L'historien Laurent Joly, spécialiste de l'antisémitisme des années 30 et auteur de plusieurs livres sur le sujet, m'a fait parvenir le texte ci-dessous.
Il proteste contre la décision du maire de Puteaux Joëlle Ceccaldi-Raynaud d'avoir baptisé "François Coty" la nouvelle passerelle sur la Seine, puis d'avoir relayé, face aux critiques, le message de l'arrière-petite-fille de l’intéressé

La mise à l’honneur par la ville de Puteaux de François Coty, millionnaire qui s’était lancé dans l’activisme d’extrême droite, pro-fasciste et antisémite, après la Grande Guerre, paraît difficilement justifiable.

Que l’arrière-petite-fille de l’intéressé ait à cœur de réhabiliter son aïeul, c’est son droit le plus strict. Mais que la maire de Puteaux relaye sa prose contraire à toute vérité historique n’est pas responsable.

Les travaux des historiens (Fred Kupferman, Ralph Schor, Pierre Milza, etc.) sont unanimes : Coty, homme de presse et homme politique, ne reculait devant aucune démagogie pour défendre ses idées extrémistes et ses ambitions mégalomaniaques.

Il a fait perdre au Figaro 90 % de ses lecteurs en raison de ses outrances et de son admiration inconditionnelle pour Mussolini. Il a lancé l’un des groupuscules fascistes (« Solidarité française ») les plus virulents au moment de l’émeute antiparlementaire du 6 février 1934.

Pire encore, il a donné à l’activisme antisémite une audience extraordinaire grâce à la force de frappe de L’Ami du Peuple – intense campagne de presse de 1932 animée par Urbain Gohier, Henry Coston ou Jacques Ditte qui séviront sous l’Occupation.

Au plan national, François Coty s’est avéré un acteur politique à la fois nocif (il a popularisé l’antisémitisme et la xénophobie comme personne à son époque, grâce à son argent et à son empire de presse) et extrêmement mal avisé (il s’est ruiné, a échoué). Le remettre ainsi à l’honneur est tout simplement insensé.

Laurent Joly


Puteaux : Joëlle Ceccaldi refuse de condamner l'antisémitisme de Francois Coty

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La maire de Puteaux a fait publier un texte dans le journal municipal de janvier 2020 pour défendre Francois Coty, après la publication d'un article du Canard Enchaîné rappelant l'antisémitisme de ce dernier. 

"Passerelle François COTY. Son arrière-arrière-petite-fille et Présidente de l'Association François Coty souhaite rétablir LA VÉRITÉ", écrit Joëlle Ceccaldi sur son compte twitter.

Laurent Joly, historien et directeur de recherche au CNRS, spécialiste de l'antisémitisme en France, lui répond sur sa page facebook, dénonçant une "scandaleuse mise à l'honneur d'un chef de file du fascisme et de l'antisémitisme français des années 1930 par la mairie de Puteaux" : 

Scandaleuse mise à l'honneur d'un chef de file du fascisme et de l'antisémitisme français des années 1930 par la mairie de Puteaux. Une passerelle de la commune a été récemment baptisée du nom de François Coty, millionnaire qui s'était lancé dans l'activisme d'extrême droite, pro-fasciste et antisémite, après la Grande Guerre. Que l'arrière-petite-fille de l'intéressé ait à cœur de réhabiliter son aïeul, c'est son droit le plus strict. Mais que la maire de Puteaux relaye sa prose mensongère et délirante (Coty "n'était pas un extrémiste", il avait de "nombreux collaborateurs de confession juive", c'était un "visionnaire" qui, "le premier", proposa le vote des femmes !, etc.) dans son bulletin municipal et sur twitter en parlant de "VERITE" est proprement irresponsable. Ou quand l'inconséquence politique vient alimenter le négationnisme historique !

Laurent Joly est l'auteur de plusieurs livres sur l'antisémitisme en France dans les années 30 et sous l'occupation. Il a écrit cet article sur l'Ami du Peuple, journal antisémite fondé par François Coty.
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Canard Enchaîné du mercredi 18 décembre 2019 : 
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La terrible condition ouvrière dans l'usine François Coty de Puteaux

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La municipalité de Puteaux a décidé d'honorer François Coty en donnant son nom à la passerelle de l'ile. François Coty est un industriel du siècle dernier qui a fait fortune dans la parfumerie. Dans les années 30, il a fondé et financé des journaux antisémites et xénophobes.

C'est parce qu'il avait des usines à Suresnes et à Puteaux que la maire de Puteaux a choisi de retenir son nom pour baptiser la passerelle.

Voulant en savoir plus sur ce personnage, je suis tombé sur un article du journal L'Humanité du 17 avril 1929. Cet article contient des témoignages d'ouvrières travaillant dans l'usine Coty de Puteaux. Ces récits illustrent les terribles conditions de travail de l'époque. François Coty exploitait ses ouvrières, les payant 4 fois moins que les hommes. Nous sommes bien loin de l'image de "créateur de la parfumerie moderne" qu'on cherche uniquement à retenir aujourd'hui. C'était il y a 90 ans seulement : 

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On pourrait dire que c'est le récit d'une époque révolue et que les conditions de travail se sont heureusement améliorées grâce au progrès et aux combats sociaux... Pour autant, fallait-il que Puteaux, sur décision de son maire et sans aucune consultation, honore ce personnage en donnant son nom à notre passerelle ? Les questions sociales ou d'égalité femmes-hommes - en plus des menaces xénophobes et antisémites - appartiennent-elles au passé ?
Christophe Grébert

A LIRE : FRANÇOIS COTY UN PASSÉ ENCOMBRANT sur le site des Amis de la Résistance en Corse du sud