Un Putéolien libanais alerte la CNIL après avoir reçu une lettre du maire Joëlle Ceccaldi-Raynaud
dimanche 09 décembre 2007
Je vous ai parlé récemment d'une lettre du maire Joëlle Ceccaldi-Raynaud envoyée aux habitants de Puteaux d'origine libanaise. Depuis, plusieurs libanais m'ont contacté pour me dire qu'ils avaient reçu cette lettre. L'un d'eux m'a parlé d'un membre de la communauté, militant UMP, qui aurait aidé la mairie a constituer ce fichier notamment sur la base des listes électorales. Or, l'utilisation des listes électorales pour constituer ce type de fichier est formellement interdite par la loi(*).
J'invitais les personnes qui recevraient ce type de courrier nominatif à m'avertir et à avertir la CNIL. Un Putéolien -suivant mes conseils- a transmis la lettre suivante au service juridique de la CNIL :
"Je suis libanais habitant Puteaux depuis de longues années. Le 21/11/07 j’ai reçu un courrier du cabinet du Maire de Puteaux Mme Joëlle Ceccaldi-Reynaud « à l’occasion de la fête nationale libanaise » (copie jointe).
Le courrier n’était pas nominatif, mais l’enveloppe l’était.
Au-delà du contenu amical et sympathique de ce courrier, je me suis posé la question de l’opportunité du moment. En effet, la fête nationale libanaise est annuelle et je n’ai pas souvenir que la mairie ait envoyé ce genre de courrier les années précédentes.
De plus, évoquer la situation tendue actuellement au Liban ne peut expliquer à lui seul cet envoi : cela fait des années que le Liban vit dans la tourmente…
Certaines mauvaises langues ont attiré mon attention sur la prochaine échéance électorale (municipales de mars 2008) ; il est vrai que la présence libanaise à Puteaux est loin d’être négligeable.
Mais ce qui m’a principalement interpellé, c’est la question suivante : Comment la mairie a pu se procurer ou constituer un fichier des Libanais de Puteaux ? Comment a-t-elle pu les identifier, trouver leurs coordonnées… Il me semble bien que la loi interdit le fichage des citoyens sur des bases ethniques, raciales, religieuses ou de nationalité. De plus, si un fichier nominatif existe, il doit être déclaré et les « fichés » informés !
Pour information, je ne fais partie d’aucune éventuelle association libanaise locale. Je suis naturalisé français (et inscrit sur les listes électorales) et propriétaire d’un logement à Puteaux.
Je connais des Libanais qui ont reçu cette lettre et qui ne font partie d'aucune association. Qui plus est, ils ne sont pas naturalisés, pas même résidents en France (ils viennent épisodiquement avec un visa) ; de ce fait, ils ne peuvent être sur les listes électorales ou d'état civil. En revanche, ils possèdent leur logement (fichier cadastre ?).
Ayant vécu une partie de la guerre au Liban sous le règne des milices et dans un Etat de non-droit, un des facteurs principaux de ma satisfaction quant à ma « nouvelle vie » et à ma citoyenneté française est l’impression d’Etat de droit et le sentiment que l’individu est respecté en tant que tel, notamment ses droits fondamentaux (liberté d’expression, égalité…).
Je savais que nous vivons dans une société de plus en plus fliquée et fichée (facilité amenée par l’informatique et Internet, contexte international de « lutte contre le terrorisme »…), mais je ne vous cache pas ma stupéfaction et mon inquiétude face à cette partie émergée de l’iceberg qui, je le crains, cacherait d’autres pratiques dans l’administration de ma ville bien aimée.
J’espère que la CNIL pourra nous aider à élucider ce mystère".
(*) "Considérant que si l'article R 16 du Code Electoral prévoit la mise à disposition des listes électorales à tout électeur de la Commune, à condition qu'il n'en soit fait aucun usage commercial et si l'article 32 de la loi du 6 janvier 1978 prévoit l'égalité d'accès des candidats et partis politiques aux listes électorales, ces dispositions doivent être combinées avec les dispositions de l'article L 164 du Code Electoral qui limitent la durée de la campagne électorale ; que les listes électorales ne peuvent dans ce cas être utilisées pour l'envoi de documents de propagande électorale en dehors de cette période ; qu'il en est de même pour la collecte de fonds assimilable à l'envoi de propagande électorale ; que, sauf dispositions législatives contraires, l'utilisation des dites listes à d'autres fins et en dehors de cette période, est susceptible de constituer le détournement de finalité réprimé par l'article 44 de la loi du 6 janvier 1978".
Article 226-21 du code pénal :
"Le fait, par toute personne détentrice de données à caractère personnel à l'occasion de leur enregistrement, de leur classement, de leur transmission ou de toute autre forme de traitement, de détourner ces informations de leur finalité telle que définie par la disposition législative, l'acte réglementaire ou la décision de la Commission nationale de l'informatique et des libertés autorisant le traitement automatisé, ou par les déclarations préalables à la mise en oeuvre de ce traitement, est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 300.000 Euros d'amende".