3 mois de prison avec sursis et 10.000 euros d'amende. C'est la peine réclamée à l'encontre de l'ancien chef adjoint de la police municipale de Puteaux.
Bruno K. était jugé ce lundi par le tribunal de Nanterre pour harcèlement moral, suite à plusieurs plaintes déposées par des membres de la police municipale.
Tout commence après les élections municipales de 2008. La maire de Puteaux, Joëlle Ceccaldi-Raynaud, veut asseoir pleinement son pouvoir et engage un nouveau chef de la police municipale. Tony Surville est embauché. Mais celui-ci ne vient pas seul : il a ses hommes (dont son frère notamment) que les témoins qualifient de "gros bras". Bruno K., le chef adjoint de la PM, aurait alors reçu pour mission de mettre la pression sur quelques membres de l'ancienne équipe pour faire de la place et faire peur aux autres.
4 policiers municipaux et une ASVP sont sur le banc des parties civiles. L'un après l'autre, ils passent à la barre pour raconter ce qu'ils ont vécu durant plusieurs années, entre 2009 et 2012 pour les faits jugés.
"Sale gouinasse", "Pédé de bougnoule"
Les policiers témoignent longuement des moqueries, insultes et menaces physiques dont ils assurent avoir été victimes ou témoins. "C'était un acharnement quotidien, témoigne l'un. Nous étions traités de bons à rien, de larbins, de tas de merde". Parfois les insultes sont homophobes ("sale gouinasse"/"lécheuse de moule" pour qualifier une policière homosexuelle) ou racistes ("Pédé de bougnoule", lancé à un policier d'origine marocaine). Aux insultes s'ajoutent des brimades professionnelles, comme le refus de dates de congés ou le passage du travail de nuit à celui de jour qui entraîne une baisse de 30% des revenus.
Une autre fois, un couteau est lancé dans la direction d'un homme. La lame manque de l'atteindre. Ou alors, c'est un geste de coup de boule qui est mimé.
L'ambiance est si délétère dans le commissariat municipal que les arrêts de travail se multiplient, notamment pour dépression. Certains policiers réclament leur mutation et partent effectivement de Puteaux.
"Avant de porter plainte, nous avons alerté la maire. Mais elle n'a rien fait", témoigne l'une des victimes. "K. est protégé : Mme Ceccaldi est comme sa maman. C'est un ancien garde du corps de Sarkozy". Il faisait en fait auparavant partie de la police municipale de Neuilly. "C'est dommage que le chef de la police et que la maire de Puteaux ne soient pas également jugés", tient à déclarer un ex-policier municipal.
Le procès révèle plus largement les méthodes très particulières de Puteaux, comme par exemple l'utilisation de la vidéosurveillance pour "suivre certaines personnes" sur ordre de la hiérarchie. Un fait trop rapidement abordé à la barre, car non retenu dans l'instruction qui a pourtant duré 5 ans !
"C'est un complot, de la jalousie"
Sur les insultes et les moqueries, l'ex-chef adjoint de la police municipale se défend : "C'était une habitude dans le service. Tout le monde se parlait comme ça. On plaisantait". Sur le couteau lancé en direction d'un de ses hommes, il ne se "souvient plus de ça". Face à ces multiples accusations de harcèlement, Bruno K. a une explication : "C'est un complot contre moi. C'est de la jalousie".
Quand la présidente de la 17e chambre correctionnelle du tribunal de Nanterre lui demande s'il trouve normal qu'un policier fasse des plaisanteries homophobes et racistes... "tout dépend du contexte" lui répond le prévenu. Ce "management viril n'est pas compatible avec la gestion d'une police municipale" remarque la présidente.
Le procureur commence de son côté par affirmer que "cette affaire est un cas d'école du harcèlement moral". Estimant ensuite que les faits sont suffisamment "caractérisés", il réclame une sanction de 3 mois de prison avec sursis et 10.000 euros d'amende. Les avocats des parties civiles réclament pour leur part entre 7.000 et 8.000 euros de dommages et intérêts pour chacune.
A la perspective de ce procès, Bruno K. avait été exfiltré de la police municipale de Puteaux. Il a été entre-temps embauché par Joëlle Ceccaldi-Raynaud comme responsable de la sécurité à l'office HLM communal... dont le siège se trouve à seulement 20 m du commissariat de police municipale. Chaque jour, l'ex-chef de la PM croise donc ses anciens collègues sur le trottoir...
Le tribunal a mis le jugement en délibéré. Il sera rendu le 15 mai.