La privatisation des crèches au conseil municipal de Puteaux, vendredi 6 juillet 2012
jeudi 21 juin 2012
Publié sur le site de Christophe Grébert :
Le conseil municipal de Puteaux est convoqué la veille des grandes vacances, le vendredi 6 juillet 2012 à 19h. Au moins cette fois, nous sommes prévenus 15 jours avant... certes pour des raisons légales. L'ordre du jour comportant l'attribution d'une délégation de service public, la loi oblige le maire à avertir les élus "15 jours francs avant la séance". D'ordinaire, nous sommes convoqués 5 jours avant.
Il s'agit en l'occurrence de confier à un prestataire privé (la société La Maison Bleue) l'exploitation de 2 crèches actuellement communales : les Roses et Oasis. C'est un sujet très sensible. La gestion des crèches à Puteaux a plusieurs fois été soulevée par les élus de l'opposition.
La majorité municipale a décidé en 2009 de confier le fonctionnement de la nouvelle crèche des Oursons, rue Charles Lorilleux, à une société privée (c'est "People and Baby" qui exploite cette crèche depuis son ouverture en septembre 2010). Le groupe "Alternance Puteaux" (Modem et Verts) a voté contre cette décision qui, selon nous, n'avait qu'un but : faire des économies sur le dos du personnel municipal et les enfants, alors que s'il y a un domaine où la richesse de Puteaux devrait être utilisée à fond, c'est bien celui de la petite enfance.
En 2011, la commune annonce la privatisation de 2 crèches communales : l'Oasis et les Roses. Des parents alertent l'opposition. Ils dénoncent à la fois la « prise en otage » des parents et du personnel et l’absence d’informations sur le fond du projet. Nous lançons un appel à la concertation. Si celle-ci a eu lieu, nous n'y avons pas été associés.
Le 6 juillet prochain, le maire demandera donc aux élus d'approuver l'attribution à la société "La Maison Bleue" de l'exploitation de ces 2 crèches. Comme le maire dispose d'une large majorité au conseil municipal, cette décision sera approuvée pratiquement sans discussion. Les élus de l'opposition s'exprimeront lors de cette séance... mais ce sera sans surprise sur le vote final. Vous me direz que c'est la démocratie : la majorité décide. Mais cela ne dispense pas de dialoguer et d'entendre les inquiétudes des uns et des autres.
Dans son rapport de présentation, la municipalité affirme que "la gestion déléguée (nota : privée) de la crèche des Oursons depuis 2 ans a montré les bénéfices de ce type de gestion". "Le niveau des prestations offertes par le délégataire, pour un coût identique pour les parents, est similaire à celui proposé par les crèches gérées en régie directe (nota : communale)". "Les enfants bénéficient du même niveau d'encadrement pédagogique".
"Les parents sont totalement satisfaits des prestations proposées à la crèche des Oursons et l'enquête de satisfaction annuelle atteste de la qualité de service offert", affirme encore le rapport : 84% des parents seraient très satisfaits et 16% simplement satisfaits. 0% d'insatisfaction, du jamais vu dans aucune entreprise ou administration !
Nous doutons fortement de ce bilan anormalement flatteur. Comme nous l'affirmions dans une tribune en 2010, cette privatisation ne peut profiter aux enfants :
(..) La commune aurait du mal à recruter du personnel, peu motivé par les grilles de rémunération et le caractère très fatiguant des postes à occuper.
Mais confier cela à une entreprise qui a pour vocation de dégager des bénéfices, n’est-ce justement pas prendre un risque d’accentuer cet effet et de diminuer la qualité du service rendu ? La logique du prestataire et son intérêt bien compris sera d’augmenter la rotation des enfants et de diminuer les frais de personnel ! De reproduire, en quelque sorte, ce que l’on voit dans toutes les crèches privée : de la tension, du bruit et une extrême frustration.
S’il y a un service à la personne sacré dans une commune, c’est celui qui a la charge de nos enfants. Il est grand temps, à ce titre, de revaloriser le personnel qui les prend en charge : salaires, temps de travail et logements. C’est à ce prix que nos enfants s’épanouiront et qu’une administration locale jouera pleinement sa différence.
On peut déléguer beaucoup de choses dans une ville, qui ne peut pas tout faire. Mais une délégation de service public pour les lieux d’accueil des enfants est typiquement une fausse bonne idée : elle introduit un paramètre de rentabilité à court terme là où, justement, il faut construire de « l’humain durable » (..).
Au conseil municipal du 25 juin 2010, lors duquel l'exploitation de la crèche des Oursons a été attribuée à la société People and Baby, je déclarais :
"Nous votons CONTRE cette attribution de délégation de service public. Parce que nous sommes certains qu’elle ne se fait pas dans l’intérêt des familles, mais dans un soucis financier. C’est ce qui ressort d’ailleurs du rapport : « People and Baby » l’emporte face à « Crèche attitude », l’autre finaliste, grâce à une différence de points sur l’intérêt financier : 40 sur 40, contre 33/40 pour l’autre offre… Alors que « Crèche Attitude » faisait une offre supérieure sur la qualité de service : 27 points sur 30, contre 20 sur 30 pour « People and Baby ». On veut faire des économies sur le dos des enfants, pour répondre aux exigences de la chambre régionale des comptes, et pour pouvoir continuer à dépenser sans compter ailleurs, sur des dépenses frivoles".
Pour l'exploitation des 2 crèches de l'Oasis et des Roses, 3 sociétés sont arrivées en finale devant la commission de délégation de service public : La Maison Bleue, Les Petits Chaperons Rouges et People and Baby. Il apparaît une nouvelle fois que c'est d'abord sur le critère financier que le prestataire gagnant a été préféré aux 2 autres : 40 points sur 40, contre 24,5 points sur 30 pour les critères techniques et 27 points sur 30 pour la qualité de service proposé. Un concurrent, meilleur sur la qualité de service, mais moins bon sur le prix, a été éliminé.
Le contrat de délégation fait 226 pages. Espérons pour les enfants que tous les engagements pris par La Maison Bleue seront respectés et que la municipalité sera capable de contrôler le bon respect de ces engagements. Mais en ayant tiré aussi fort sur la corde financière, on se demande comme cela pourra être réalisable.
Christophe Grébert
Conseiller municipal
groupe "Alternance Puteaux"