Privatisation des crèches de Puteaux : la concertation s'impose
mercredi 29 juin 2011
Publié sur le blog de Sylvie Cancelloni :
Des parents nous alertent, manifestant leur inquiétude à l’annonce de privatisation de 2 crèches à Puteaux, les crèches des Roses et de l’Oasis. Ces parents dénoncent à la fois la « prise en otage » des parents et du personnel et l’absence d’informations sur le fond de ce projet.
Faisons le point ensemble.
D'autres villes font aussi le choix de la privatisation des crèches compte tenu, disent-elles, de la difficulté de recrutement du personnel et de la charge des frais d’investissement et de gestion pour les budgets locaux.
A Puteaux, depuis 2008, nous utilisons les services de la société Babilou. Celle-ci gère 2 crèches sur le territoire de la commune, à La Défense et rue de Verdun, dont un certain nombre de places sont conventionnées par la municipalité. Nous avons approuvé ces marchés, car ils répondaient à l'urgence d'une demande que la majorité municipale n'avait pas su anticiper.
D'autre part, en 2010, la ville a ouvert une nouvelle crèche - "La crèche des Oursons", rue Charles Lorilleux - dont l'exploitation a été confiée à l'entreprise "People and Baby". En revanche, nous nous sommes émus à l'époque de ce projet, car il ne nous semblait pas que les conditions du marché étaient suffisantes pour assurer le meilleur service possible.
A première vue, la raison s’imposerait à nos collectivités : le privé ferait mieux et moins cher (en 2008, le maire nous avait affirmé que le coût d'un berceau dans une crèche municipale était de 16.000 euros par an contre 13.000 euros dans un établissement privé) et apporterait une garantie essentielle contre toute défaillance de personnel.
A seconde vue, il faut y réfléchir :
- Maintenant que les villes ont un certain recul, une étude globale comparant les qualités et les défauts des deux systèmes s’impose. Elle n’existe pas à ce jour. A Puteaux, le maire assure aux parents inquiets que la gestion privée se fait à la plus grande satisfaction des parents et du personnel. Il s’agit d’une déclaration qui semble n’être étayée par aucune analyse objective, sauf production d’un document dont personne n’a eu connaissance…
- La question du personnel est au cœur du choix : le métier est fatiguant, la pression de la structure est très forte, les salaires sont faibles, l’évolution de carrière quasiment inexistante. Sans compter que les horaires d’une crèche étant le plus étendus possibles, les plages de travail (tôt le matin, tard le soir, coupures longues en inter journée) pénalisent des employées qui viennent souvent de loin.
Dans ce contexte, le choix public/privé n’est pas neutre pour le personnel : faible salaire, mais un statut qui assure une certaine sécurité de l’emploi pour le public, avec parfois l’espoir d’une mutation dans un autre service ; salaire peut-être un peu plus fort, mais augmentation de la pression et du stress pour le privé.
Il n’est pas neutre non plus pour les parents : en confiant aux assistantes maternelles la « chair de leur chair », ils attendent une disponibilité, une écoute, une personnalisation de la relation que la fatigue et la surcharge ne rendent pas toujours possible… Il ne faut pas se le cacher : nul ne peut faire du personnel des crèches une variable d’ajustement aux besoins des différents acteurs !
Quelle solution trouver ? Avant de faire un choix public/privé, il faut le précéder d’un autre choix : il est indispensable aujourd’hui de loger prioritairement le personnel de service. C’est vrai pour le personnel des crèches comme pour celui des cantines. Le logement social sur place est aujourd’hui une exigence dont il faut reconnaître la réalité. Moins fatigué, moins stressé, moins contraint par les dépenses de logement, il sera mieux au service de nos enfants.
Certaines villes, conscientes de ce nouvel enjeu de société, ont développé des programmes d’urgence en ce sens. A chaque ville sa méthode. Mais ne pas reconnaître le problème et ne pas chercher à le traiter en priorité se retourne inévitablement contre l’intérêt des familles.
Au groupe "Alternance Puteaux", nous pensons qu’il les deux, public et privé, sont complémentaires, pour proposer le maximum de solutions diverses, absorber les évolutions démographiques et rendre de la souplesse au système.
Mais à certaines conditions incontournables :
- Il faut d’abord qu’il y ait du débat public, de l’information réelle et quantifiée (une approche des coûts notamment), et le souci d’entendre les préoccupations des parents et du personnel. Nous demandons à la ville de procéder à une réunion publique dès la rentrée scolaire avec les parents des crèches des Roses, de l’Oasis et des Oursons : ce sera l’occasion d’éclaircir la question de la « satisfaction » évoquée pour la crèche des Oursons, d’informer sur les critères de choix et sur la gestion intérimaire des crèches (il semble que, pour les 2 premières, les directrices soient parties sans projet de remplacement), d’associer les parents aux contraintes qui s’imposent aux communes, d’empêcher que des solutions expéditives ne soient opposées au personnel, auquel les parents semblent profondément attachés… La ville de Puteaux se veut exemplaire ? Il faut pour cela qu’elle accepte d’être transparente dans les raisons qui dictent ses choix.
- Il faut associer le personnel des crèches à cette discussion, ou tout au moins prendre l’habitude de l’informer en amont. Le personnel a découvert ces changements en même temps que les parents. Leur inquiétude est forte et l’absence de règles de concertation sur Puteaux n’est pas pour les rassurer. La ville doit se battre pour son personnel de service sans le placer au dernier étage de la décision publique. Elle doit en premier lieu ouvrir une action de logement social, faute de quoi aucune politique de crèche n’aura vraiment d’effet.
- Enfin, il est important de préciser la nature de la délégation consentie au privé, le cadre de contractualisation qu’on se donne, et le coût réel pour la collectivité publique qui en découle. Les tarifs sont alignés dans tous les cas de figure. Or une structure privée doit faire des bénéfices : où les trouve-t-elle ? Sur quels postes ? Dans le débat public, les acteurs privés devront aussi être invités à nous donner leurs arguments. Dans les appels d'offres passés par la municipalité, le qualitatif devra toujours passer devant le quantitatif.
Ce qui se conçoit bien s’expose clairement : c’est à cette condition que la ville de Puteaux pourra défendre l’exemplarité de sa gestion.
Sylvie Cancelloni
Conseillère municipale "Alternance Puteaux"
(photo : Flickr)