Stade ARENA92 : le maire UMP de Puteaux soutient aveuglèment le projet privé
dimanche 27 juin 2010
Votre opposition municipale n’est pas stupide, Madame le maire : elle ne met pas en cause l’objectif d’un projet sportif et culturel ambitieux pour le Nord du 92. Pas plus qu’elle ne doute des moyens qui lui seront donnés.
Elle met en cause la méthode que les établissements publics de La Défense, et vous même, en tant que Présidente de l’EPAD, avez adoptée. Il eut fallu une vision pour inscrire ce projet dans un ensemble territorial. Mais, pour reprendre Cyrano de Bergerac, « de vision », ni vous ni les établissements publics, » vous n’en eûtes jamais un atome » et cette absence va cruellement manquer au modelage futur de La Défense.
Car La Défense fonctionne sur un mode de gestion connu, appelé en d’autres temps « centralisme bureaucratique ». Pas un souffle d’inspiration libérale dans ce système ! Ce qui finit par le rendre aveugle et par faire oublier qu’un territoire, c’est comme un organe humain : ça vit, ça respire, ça repose sur des hommes et ça ne peut vivre sans relations. Ces relations s’appellent, dans le langage de la majorité à laquelle vous appartenez, l’intercommunalité. C'est-à-dire l’association d’intelligence, de solidarité et de projet entre communes pour faire à plusieurs beaucoup plus efficacement que tout seul.
Construire un stade est par définition un projet intercommunal, surtout quand il a cette taille. Quand il ne s’inscrit pas d’abord dans une politique territoriale, c’est aussi idiot que pour un médecin de prescrire un médicament sans avoir fait le diagnostic.
On voit bien qu’il n’y a pas eu l’ombre d’une concertation intercommunale sur ce projet : vous le mettez au cœur d’un territoire que vos n’avez pas défini ! Vous avez accepté son emplacement au centre d’un extraordinaire enchevêtrement urbain sans réfléchir s’il n’eut pas été plus judicieux de le mettre ailleurs !
Quand on est dans une démarche territoriale, on cherche à optimiser un emplacement. On l’aborde avec un crible élargi prenant en compte les zones urbaines disponibles, les retombées économiques et d’emploi, les transports disponibles ou à créer, les infrastructures existantes, les politiques de développement que l’on veut conduire…
L’absence de concertation dans ce projet nous laisse pantois.
Le futur stade est dédié notamment au rugby. Il en existait un à Colombes, le stade Yves du Manoir. Quelqu’un s’est-il interrogé sur la pertinence de ce déplacement ? Puisqu’à terme Colombes intègrera le territoire de La Défense, n’y avait-il pas là l’occasion de l’anticiper intelligemment ? Colombes est déjà desservi par un réseau autoroutier. Colombes est une ville qui a besoin de rentrer dans le concert de développement des villes de La Défense. C’est aujourd’hui une immense friche de logements possibles qui sera bien nécessaire dans l’extension territoriale future. Vous aviez là l’occasion unique de décloisonner une ville, de la réinclure dans un espace cohérent, de la rapprocher d'un coeur de vie et d’asseoir une politique de mise en valeur diversifiée au lieu de tout concentrer sur le même lieu, déjà saturé en accès automobile, en transport collectif et en proximité d’habitations ! Et bien évidemment, vous êtes passée à côté...
Vous nous présentez aujourd’hui ce projet comme une évidence. Vous utilisez même pour cela le film publicitaire conçu par Arena, société privée, pour nous le vendre. Ce film est peut-être joli, mais son contenu est affligeant : aucun concept, aucune politique territoriale, aucune articulation avec d'autres projets, aucune perspective de modelage urbain. Vous auriez au moins pu vous donner la peine de produire avec le Conseil Général ou l'EPAD/EPASA un élément de valeur ajoutée. Rien de tout cela… "C'est comme cela", dites-vous... Une pensée un peu simple, tout de même, non ?
Vous voulez donner en plus à ce projet le label « d’intérêt général ». Accablant : où est l’intérêt général dans ce lieu précis ? Quand le stade est à moins de 50 mètres et que le moindre spectacle emmènera des milliers de voitures sur le circulaire ? Savez-vous au moins ce que les riverains de Jean Boin et du Parc des Princes vivent les soirs de match ou de spectacles ? Conçu sur espace très largement éloigné des habitations, la réhabilitation d'Yves du Manoir n'eut-elle pas honnêtement été une solution moins extravagante ?
On voit bien ici que ce n’est pas une intelligence de projet qui a prévalu, mais une alliance de circonstances de petits intérêts locaux qui font sentir cruellement, ces jours, l’absence d’une vraie personnalité et d’une vraie pensée à la tête du futur territoire de La Défense.
Vous auriez pris la tête de cette croisade territoriale, Madame, vous auriez porté ces questions au lieu d’en suivre passivement le déroulement, vous auriez participé aux réflexions sur le Grand Paris et élaboré un plan d’action audacieux au lieu de vous contenter d’obéir, vous auriez osé devenir le hérault d’une vraie conception d’organisation territoriale, quelles que soient nos différences, vous nous auriez trouvé à vos côtés.
Au lieu de cela (et permettez-moi cet usage un peu détourné de Pierre de Ronsart) :
« Las ! voyez comme en peu d’espace,Sylvie Cancelloni
Mignonne, elle a dessus la place
Las ! las ! nos espoirs laissé choir !
O merci marâtre Nature,
Pour qu’une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir ! »
Conseillère municipale MoDem de Puteaux