Le maire de Puteaux est très tarte
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Témoignage de Madame S., expropriée de la ZAC des Bergères à Puteaux

2208441951_8e224bd65a Voici la 2e partie du dossier de Sylvie Cancelloni sur les expropriations et l'attribution des logements à Puteaux :

Madame S., 71 ans, veuve et diabétique, titulaire d’une pension de réversion de 800 euros, vient d’être condamnée par le Tribunal à accepter la proposition d’expropriation de son petit appartement situé sur les terrains de la ZAC des Bergères, sur le haut de Puteaux, où elle a toujours vécu et élevé ses enfants depuis 33 ans, pour la somme de 90.000 euros.

La nouvelle lui tombe dessus comme la foudre. Elle ne peut pas se reloger dans le privé : sa pension ne lui permet pas. Elle ne peut pas non plus racheter un studio : la somme dont elle dispose, obérée par le remboursement des frais d’hospitalisation de son défunt mari et par le versement de l’héritage aux enfants, n’atteint plus que 30.000 euros. Eux-mêmes dans une situation modeste n’ont guère les moyens de la reloger.

Un drame courant. Qui aurait pu être évité. Qui aurait du être évité…

Car, dès les premiers contacts avec la municipalité, il y a des années, Madame S. avait indiqué au service d’urbanisme qu’elle acceptait toute proposition plus faible en capital, pourvu qu’elle soit relogée en HLM (studio ou 2 pièces). Avec la petite portion de capital touché et l’aide de ses enfants, elle pouvait s’en tirer.

Rien ne s’est passé, malgré de nombreuses relances de ses enfants, inquiets de ne trouver aucun interlocuteur en face d’eux.

Poursuivie par la ville, elle est convoquée il y a deux ans par la juge des expropriations. Elle plaide alors, avec la simplicité qui est la sienne, qu’il n’y a pas besoin d’engager des frais de justice pour elle puisqu’elle est d’accord pour partir et qu’elle ne demande qu’un logement de petite taille en contrepartie. Rien n’y fait. Elle est probablement mal défendue par son avocate qui « omet » de consigner sa demande de relogement. En mars, le jugement est rendu : 90.000 euros et au revoir Madame !

Abasourdie par ce long malentendu, elle appelle le cabinet du maire qui, au terme de la procédure, finit par la recevoir deux fois.

La première fois, pour conclure en lui recommandant, non sans un certain cynisme : « je n’ai pas de solution, mais vous pourriez déjà déposséder vos enfants de leur part d’héritage ». Consulté, le notaire répond que ce n’est pas possible.

Nouveau rendez-vous il y a un an. Joëlle Ceccaldi-Raynaud lui répond que les gens comme elles ne peuvent pas être relogés car « sinon, le Conseil Municipal lui  taperait sur les doigts ». Ah bon ? Le Conseil Municipal a quelque chose à dire? Nous n’avons jamais entendu quiconque dire quoi que ce soit depuis les 2 ans que nous y siégeons ! Hormis les élus de l’opposition… Devant l’insistance de la famille à rechercher une solution, elle poursuit : « vous n’entrez pas dans mes cas de figure, mais dans celui de la loi Dalo ». Une loi pourtant totalement inefficace qui engage des procédures sur plusieurs années pour ne jamais aboutir à l’obligation, prise par l’Etat lui-même, de loger quiconque en a besoin. Le députée-maire est tout de même censée le savoir, non ?

La fille de Madame S. s’effondre en racontant la suite de l’entretien : « Madame le maire s’est mise en colère en nous disant qu’elle en avait ras le bol des histoires de la ZAC des Bergères et nous a jetés comme de vieilles chaussettes »…

Loin d’être découragée, sûre de son bon droit, la famille continue à se battre. Rencontre alors Madame Nadine Jeanne, conseillère municipale d'opposition, qui, toute seule et souvent sous les quolibets des élus de la majorité, monte au créneau. Différents élus s’essaient même timidement de faire aussi quelque chose. Mais que pèse un conseiller de la majorité à Puteaux, à part sa capacité à obéir aux directives qui lui sont données ?

La direction du service de l’urbanisme finit par avancer l’idée d’un appartement hors HLM (sur le "stock privé" de la ville) au 5e étage sans ascenseur. Mais Madame le maire repasse derrière et dit non. Au passage, il serait intéressant de savoir ce que représente ce « stock » et qui l’occupe aujourd’hui… Nous chercherons à élucider cette question dans les semaines à venir…

Courriers, relances sans fin, découragements…

A l’issue d’un Conseil municipal toujours tumultueux, où nous avons posé la question de l’existence d’une cellule d’aide pour les personnes expropriées, les affaires reprennent tout à coup : la famille est aiguillée vers la résidence des personnes âgées, le Club 102. Mais grande déconvenue pendant la visite : une pièce minuscule, sans cuisine, sans possibilité de laver ses affaires, un peu comme une chambre d’hôpital. Les repas sont pris avec les autres et le rythme est collectif. Madame S., qui est encore autonome, exprime timidement le fait qu’elle préférerait vraiment avoir son petit chez-soi !

Le couperet tombe alors : « puisqu’elle ne veut pas ce qu’on lui propose, qu’elle se débrouille toute seule ! ». 20 ans après le début de la ZAC, degré d’évolution zéro pour un dossier qui ne présentait pourtant aucune complication !

Les commentaires de la fille de Madame S. sont éloquents : « je n’ai plus peur de parler, je n’habite plus Puteaux et nous n’avons plus rien à perdre. Le traitement que nous avons subi relève de l’injustice et de l’abus de droit. Nous avons appris que 3 appartements devaient nous être proposés par la commission d’attribution et qu’à chaque fois, le maire a refusé. C’est elle qui dirige les HLM. Des appartements sont obtenus en 15 jours quand elle le décide ».

Un cas de plus, donc. Il est aujourd’hui difficile de mesurer le désastre humain de la ZAC des Bergères, la plupart des gens ayant fini, de guerre lasse, par migrer. Les négociations à l’amiable ont laissé un souvenir épouvantable. Depuis 5 ans, c’est la lutte du pot de fer contre le pot de terre.

Des dizaines de dossiers restent en attente sans solutions. Parmi ceux-ci, celui d’une personne âgée et sans moyens, Monsieur M., pour lequel le juge avait accepté le principe d’une baisse d’indemnité moyennant relogement. Depuis 2008, il attend, comme Madame S. dans un quartier où il n’y a plus rien, muré dans des barricades, isolé du monde par des terrains vagues. Dans le silence du désespoir.

Aujourd’hui, j’ai honte. Pour eux, pour nous. Je redoute ce qui va se passer pour la rue Pasteur, toute sage dans ses pavillons fleuris. Je crains le pire pour la ZAC Charcot (au nord du rond point des Bergères) où Puteaux a délégué la charge des expropriations à l’EPAD qui lui, va encore moins se gêner puisqu’il ne dépend pas d’une élection…

Qui gardera demain le souvenir de tous ces sacrifices muets quand les fontaines de Madame Ceccaldi-Raynaud couleront dans le nouveau quartier des Bergères ?

Sylvie Cancelloni
Conseillère municipale MoDem de Puteaux

(photo : Flickr)

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