La Zac des Bergères, les expropriations et l'attribution des logements à Puteaux
lundi 31 mai 2010
Publié sur le site de Sylvie Cancelloni, élue démocrate de Puteaux :
Depuis que nous siégeons au conseil municipal de Puteaux, nous sommes très attentifs à un dossier qui revient à chaque séance : celui des "communications du maire". C’est un bijou de concision dans lequel s’égrènent, sur un ton parfaitement impersonnel, toutes les affaires pendantes de la ville, parmi lesquelles les actions en justice et les affaires d’expropriation de la ville.
La ZAC des Bergères, dans sa phase actuelle de conquête des parcelles, fournit l’essentiel du triste contingent régulier.Bien sûr, les expropriations sont au service d’une cause plus grande que les cas particuliers que nous évoquons. Ce sera, dans le futur, un quartier moderne d’habitations, dont quelques HLM. Un tel projet suppose des sacrifices. Il faut accepter d’y consentir.
Cela donne toutefois des responsabilités, surtout dans une ville riche comme Puteaux. Car qui dit expropriation (et parfois même expulsion), dit à chaque fois arrachement, exil et douleur. Car derrière les pavillons, les petites entreprises et les immeubles modestes, il y a des vies, des histoires de famille, des situations uniques, des désespoirs que personne, et surtout pas nous, n’a le droit d’ignorer ou de contourner.
L’opération de ZAC aux Bergères, déclarée en 1971, a démarré méthodiquement à partir de 1998. Entre temps, 17 années se sont écoulées où l’épée de Damoclès tendue sur le quartier a gelé sa valeur et contraint locataires et propriétaires à vivre dans un temps bizarre entre pas-encore et déjà-là. Rien n’a été entretenu, pour cause, et s’est délabré peu à peu.
A partir de 1998, avant que les procédures ne commencent, nombreux sont les témoignages qui remontent faisant part de « pressions honteuses », de « destructions organisées » de grilles, boîtes aux lettres, de « harcèlement » … Les 10 dernières années sont riches, semble-t-il, de mouvements de protestation éteints dans l’œuf, de démêlés, de surenchères, de pétitions … et d’indifférence ! Une seule élue locale s’est engagée tout au long de ces années aux côtés de tous ceux qui menaient la lutte du pot de terre contre le pot de fer et les a soutenu dans des conditions parfois très difficiles. Je tiens à lui rendre hommage : il s’agit de Madame Nadine Jeanne.
Depuis le début de notre mandat il y a deux ans, nous sommes effarés par le nombre de "communications" d’expropriations et le caractère très angoissé des demandes de soutien qui nous parviennent discrètement, faisant état d’une grande solitude face à l’administration. Nous avons demandé en conseil municipal au maire de Puteaux quelle était sa politique d’accompagnement et si une cellule existait pour tous les cas difficiles.
Sur le ton acide de maîtresse d’école qu’elle nous réserve toujours, elle nous a répondu qu’elle ne « laissait personne sur le carreau » et qu’il y avait une cellule de longue date pour cela.
C’est faux. Totalement. Vous pouvez toujours partir à sa recherche dans les services communaux… Non seulement elle n’existe pas, mais les effectifs du service d’urbanisme ont été réduits à leur plus simple expression. Depuis que le maire est en place, l’accompagnement se situe au niveau zéro, et même pire, malgré, il faut le souligner, l’évidente humanité des employés municipaux qui n’ont aucune marge de manœuvre et ne sont soutenus par personne.
Nous sommes quand même dans une terre de droits. Une procédure d’expulsion a ses règles. Chaque départ est bien sûr indemnisé : sous forme de relogements pour les locataires, et d’indemnités pour les propriétaires. Cela rassure tout le monde. Mais ce langage de droit ne dit rien de tout ce qui se passe à la marge. Les compensations versée au propriétaire, sur la base des Domaines qui sont toujours sous-évaluées, surtout dans un quartier qui a perdu toute valeur depuis 1971, ne lui permettent pas souvent de se reloger, tant s’en faut ! Quant aux locataires, en général âgés et de revenus très modestes, ils attendent sans fin l’attribution d’un logement. Sans horizon, sans perspectives, dans un quartier en ruine et aujourd’hui très isolé, où traverser le dernier hiver a souvent été un martyr…
Alors que fait-on quand tout est bloqué ? Les prix proposés, les logements à espérer ? Je vous le donne en mille ? On appelle notre déesse Shiva-aux-1000-bras, Joëlle Ceccaldi-Raynaud, pour lui demander le secours de son âme affligée par le spectacle de tous ces désespoirs… Mais il parait qu’elle ne veut plus entendre parler des Bergères, elle serait saturée. C’est même si difficile d’expulser des gens qui ne veulent pas qu’elle a délégué ce droit à l’EPAD pour l’autre ZAC, celle de Charcot. Au moins, l’EPAD n’aura pas à redouter d’être pris à parti par des électeurs. Ce sont tous des fonctionnaires !
Notre maire est présidente des HLM de Puteaux. Mais il n’y a pas d’HLM disponibles, tout le monde le sait, ou presque. Du moins pas pour eux. Mais il reste le contingent des HLM de la Préfecture ou la loi Dalo, dit le maire, ce sera bien suffisant… A l’attente sans fin s’ajoute donc le désespoir !
Pourquoi est-il si difficile à Puteaux d’obtenir un HLM quand on a des revenus modestes, qu’on est exproprié ou retraité sans moyens ? Difficile de répondre : nul ne sait ce qui se passe dans le Saint des Saints de la commission d’attribution. Présidée par le maire, sans présence d’aucun représentant de l’opposition, son secret rend le soupçon facile.
D’autant que les rumeurs vont bon train sur les rotations d’HLM et que tout le monde ne semble pas obligé d’attendre 20 ans. N’évoque-t-on pas 60% de personnes à Puteaux dont les revenus ne justifieraient vraiment pas un logement en HLM ? N’évoque-t-on pas aussi de grands appartements pour 1 seule personne, obligée de faire des certificats d’hébergement de lointaines cousines bretonnes pour justifier le maintien de leur avantage ?
Le silence et l’opacité qui couvre les dossiers de logements est aujourd’hui insupportable, surtout au regard de la ZAC. La loi n’oblige pas le maire à ouvrir la commission à des élus de l’opposition. Mais sincèrement, lorsqu’on a rien à cacher, pourquoi ne pas choisir la transparence ? Si vous trouvez une seule bonne raison, donnez-la nous ! L’ancien Préfet du 92, Pierre Bousquet de Florian, ne condamnait-il pas lui-même, lors d’une visite à Puteaux pour expliquer la Loi Dalo, la gestion HLM de la ville ? Et n’expliquait-il pas qu’il avait retiré de la responsabilité de Puteaux le contingent HLM de la Préfecture pour une meilleure « fluidité » de leur attribution.
A Puteaux, malgré les apparences, rien n’a changé : père et fille, qui connaissent leur ville sur le bout des doigts puisqu’ils ne font que cela et que c’est l’outil de leur survie, appliquent les mêmes méthodes depuis 40 ans. Puteaux continue à tricoter sa propre conception du droit. Cela fait 40 ans aussi que les consciences putéoliennes le savent. Et pourtant, les files d’attente devant le bureau du maire ne désemplissent pas. Quelle tristesse de nous voir tous devenir complices d’un tel système !
Notre ville aurait dû être exemplaire sur la ZAC des Bergères qui aurait du donner lieu à une gestion humaine et respectueuse, comme cela se fait dans d’autres communes. Anticiper avec sagesse et avec respect la transformation de ce quartier depuis 30 ans était notre devoir. Au lieu de cela, nous avons semé la désolation, l’incertitude, l’angoisse et l’injustice. Au lieu de cela, nous avons un maire qui, devant le défilé des protestations de la ZAC, déclare devant témoins en avoir « ras-le-bonbon » des Bergères ! Quant on n’a rien prévu, c’est sûr qu’on peut avoir cette réaction.
Tard, bien trop tard, nous demandons à la ville de faire face aujourd’hui a ses responsabilités et de traiter dès aujourd’hui tous les dossiers en instance, avec le respect dû à des personnes qui ont souffert, sans les bousculer ni leur imposer des décisions qui ne leur conviennent pas.
C’est pour nous une question d’honneur et de décence. C’est pour nous la moindre des choses.
Sylvie
Cancelloni
Conseillère municipale MoDem de Puteaux