La Chambre régionale des comptes d'Ile-de-France vient de mettre en ligne son rapport CRITIQUE sur la gestion du SICUDEF pour la période 1998-2003, c'est à dire sous la présidence de Charles Ceccaldi-Raynaud, alors maire de Puteaux.
Créé en 1965, le Syndicat de chauffage urbain de La Défense regroupe le département des Hauts-de-Seine et les communes de Courbevoie, Nanterre et Puteaux. Il a pour objet le chauffage et la climatisation des immeubles dans la partie est du quartier de la Défense, ce qui représente 2,7 millions de m2 de bureaux et 9.800 logements collectifs. Pour l'exploitation de ce service, le Syndicat a passé une convention avec un concessionnaire : Climadef jusqu'en 2002, puis Enertherm à partir de septembre 2002.
En 1999, le syndicat a acquis pour 7,6 millions d’Euros à Nanterre, rue Pons, le terrain pour une nouvelle centrale de production, qui s'ajoutera à celle de Courbevoie, rue d'Alençon, qui avait explosé en 1994.
Dans son rapport, la Chambre régionale dénonce une "gestion mal maîtrisée des suites juridiques de l’explosion" (page 6), un "contrôle insuffisant des concessions" (page 8), un "suivi financier inexistant et des comptes de clôture de la concession CLIMADEF non arrêtés" (page 9), une procédure de passation de délégation de service public en 2002 au profit de la société Enertherm reposant "sur un document programme imprécis" (page 11).
La Chambre souligne les liens entre l’ancien et le nouveau concessionnaire (page 12) :
"Lors de la remise des offres, en octobre 2000, ENERTHERM, le futur concessionnaire, et CLIMADEF n’avaient pas de lien capitalistique. ENERTHERM n’avait pas d’existence juridique (la société a été créée en septembre 2002). En revanche, en mars 2001, le rachat de la SEEM, actionnaire à 50% de CLIMADEF, par M. Forterre, président d’ENERPART (associé à M.Bonnefont, président de CLIMADEF, et à JUBEN Holding), va créer des liens entre le groupement dont fait partie ENERPART et CLIMADEF, encore concurrents pour une DSP seulement attribuée par délibération de novembre 2001. A partir de septembre 2002, ENERPART, alors détenu à 43,55% par la SEEM, deviendra actionnaire à 84,97% d’ENERTHERM, le nouveau concessionnaire qui a pris la succession du groupement ENERPART-VATECH-SOFFIMAT".
La Chambre parle d'"impréparation du Syndicat en ce qui concerne l’équilibre économique de la
nouvelle concession" (page 12).
Le rapport de la Chambre régionale fait en effet apparaître une rentablité exceptionnelle en faveur de la société exploitante : autour de 30%, pour un chiffre d'affaires d'environ 35 millions d'euros.
Et le rapport d'indiquer (page 12) :
"La conclusion d’une convention de concession de service public entre le concédant, garant du service public, et le concessionnaire, repose sur un équilibre économique protégeant les intérêts des usagers et ceux du concessionnaire. Les usagers ont droit aux tarifs les plus bas compatibles avec une rentabilité de l’exploitation conforme aux normes de la profession. C’est pourquoi le concédant doit être en mesure d’estimer la rentabilité de la concession pour fixer les tarifs de la future concession, évaluer les comptes prévisionnels des candidats et leur business plan.
Le SICUDEF n’a pas tenu ce rôle, en se privant des prévisions financières de la plupart des candidats et en acceptant les prévisions d’ENERTHERM qui comportaient pourtant plusieurs erreurs.
S’agissant des tarifs facturés aux usagers, le document programme fixe un objectif de baisse des tarifs du chauffage de 10% pour les logements et de 2,5% pour les autres abonnés, ce qui, compte tenu de la structure du chiffre d’affaires, aboutit à une baisse globale des tarifs de 5%. Cette fixation des tarifs devrait découler d’une analyse financière prévisionnelle de la concession, des objectifs de rentabilité opérationne lle et de taux de rentabilité interne pour les investissements fixés au concessionnaire, compte tenu des tarifs, du taux de marge brute et du taux de rentabilité interne de la concession précédente. Or, il apparaît que le concédant n'a procédé à aucune démarche de ce type".
Selon la Chambre, les prévisions fournies par ENERTHERM minimisent le taux de rentabilité opérationnelle. ENERTHERM affiche un prévisionnel de rentabilité de 18%, alors que celui constaté pour Climadef était de 32% en moyenne.
Sur la procédure d'attribution de la concession à ENERTHERM, la Chambre parle de définition et de financement des ouvrages "peu clairs" (page 15) et de clauses administratives "approximatives" (page 16).
La Chambre relève ensuite plusieurs "défaillances" sur l'application des clauses du contrat (page 19), notamment sur la modification du capital (page 20) :
"L’article 86 de la convention prévoit que « toute modification de la composition du capital social de la société délégataire ne pourra avoir lieu qu’en vertu d’une autorisation expresse et préalable du Syndicat ». Il apparaît que le capital social d’ENERTHERM est passé de 300 000 €, lors de sa création en août 2001 à 7.000.000 € en septembre 2005 au travers de trois augmentations de capital. La composition du capital s’est modifiée sur cette période, la part d’Enerpart passant de 84,97% à 97,84%. Or, ENERTHERM n’a pas demandé l’agrément du SICUDEF et ne l’a même informé, pour aucune des trois modifications de capital qui ont découlé des augmentations".
La Chambre recommande finalement au SICUDEF de renégocier à la baisse les tarifs (page 21) et de conclure (page 22) :
"Dans cette délégation de service public complexe et aux enjeux financiers importants, la
Chambre a pris note de la série d’engagements prise par le syndicat mixte. Elle s’attachera, lors
d’un prochain contrôle, à s’assurer de leur mise en oeuvre effective".
Le chauffage urbain à Puteaux et à La Défense est un gros dossier dont j'ai déjà souvent parlé. Sur ce dernier rapport de la Chambre régionale des comptes, chacun fera ses propres conclusions... notamment sur le rôle de Charles Ceccaldi-Raynaud à la tête du SICUDEF durant la période d'attribution du nouveau concessionnaire. Plusieurs instructions judiciaires sont ouvertes. Tout ce que je souhaite c'est que la justice puisse aller -un jour peut-être- au bout de ces enquêtes.
Christophe Grébert