La Défense : le grand marchandage a commencé
samedi 20 août 2005
Suite à mes 2 derniers billets consacrés à l'audit du patrimoine de l'EPAD et à l'interview du président de l'AUDE, l'association qui regroupe les utilisateurs (investisseurs et entreprises) du quartier d'affaires, je me suis dis que l'article que j'avais écrit en décembre 2003 sur monputeaux.free.fr était à nouveau d'actualité. Le voici (attention : l'AUDE a changé de président depuis et l'existence juridique de l'EPAD a été prolongée jusqu'en 2010) :
LES ENTREPRISES DE LA DEFENSE EN APPELLENT À LA REGIONjeudi 11 décembre 2003
"Les enjeux économiques sont trop importants pour confier la gestion de La Défense aux seules communes. La région Ile-de-France pourrait se substituer à l'Etat"... C'est en substance le message adressé par quelques unes des grosses sociétés de La Défense aux décideurs politiques qui réfléchissent actuellement à l'avenir du quartier d'affaires.
Lancé il y a une quarantaine d'années, le site de La Défense est en effet pratiquement achevé. Quelques tours doivent être encore construites l'année prochaine et l'année suivante, mais après plus rien. L'EPAD, établissement public chargé de l'aménagement du Manhattan français, n'aura plus de raison d'être. En 2007, il fermera définitivement ses portes. Mais il faudra bien une structure pour succéder à l'aménageur public et gérer cet immense pôle d'activité, avec ses 3 millions de m2 de bureaux, ses 150.000 emplois, ses 15.000 logements et les 500.000 voyageurs qui empruntent chaque jour ses gares RER, SNCF et RATP...
L'Etat souhaite que les 3 communes concernées (Puteaux, Courbevoie et Nanterre) assurent avec le département des Hauts-de-Seine la co-gestion du quartier. Mais les communes ne sont pas du tout d'accord. Elles rappellent à l'Etat sa promesse faite au moment de la création de La Défense : les communes, dont les populations ont déjà eu à subir le traumatisme des expropriations, n'auront, ni aujourd'hui, ni demain, à supporter le coût financier de ce projet national (et gaullien).
La Défense rapporte pourtant beaucoup d'argent aux 3 communes : 150 millions d'euros par an, rien qu'en taxes professionnelles. Puteaux en récupère une grosse part : environ 40 pour cent. Cette manne fait de notre ville l'une des plus riches de France !
Pour les caisses de l'Etat, l'enjeu est aussi de taille : les entreprises de La Défense génèrent plus de 3 milliards et demi d'euros de TVA !En rapport, les coûts d'exploitation du quartier semblent ridicules : une dizaine de millions d'euros par an. Selon l'EPAD, c'est même moins que cela : 6 millions d'euros cette année (c'est le montant de son déficit pris en charge par la collectivité nationale). La Défense génère en effet aussi des revenus, notamment grâce à ses parkings souterrains, dont les places sont louées aux entreprises.
Qui donc va payer ces 6 millions d'euros annuel ? c'est toute la question qui se pose actuellement. L'Etat et les communes pourraient bien finalement s'entendre en faisant supporter cette charge aux entreprises de La Défense. Mais celles-ci se rebiffent. Elles ont créé une association pour défendre leurs intérêts. L'Aude (Association des Utilisateurs de la Défense) regroupe une quinzaine de sociétés : Total, Société Générale, Axa, Scoor, Arcelor, EDF, Unibail, Areva, etc... Le président de l'AUDE, Christian Joubert, prévient : "Une nouvelle taxe au titre de l'exploitation du quartier serait inacceptable. Ce serait un cas unique en France. Et cela pourrait amener certains des grands employeurs de La Défense à quitter ce quartier pour aller ailleurs en Ile-de-France"...
De son côté, notre maire, ancien président de l'EPAD, fait aussi monter la pression. Lors du dernier conseil municipal, Charles Ceccaldi a décidé de charger une société d'audit "d'inventorier les éléments composants le patrimoine de l'EPAD situés sur le territoire de la ville et lister les travaux de rénovation, entretien, réfection ou remplacement à exécuter sur ces éléments"... Le maire veut pouvoir présenter des billes lors des négociations financières qui vont s'engager. Lors du conseil, il a aussi cherché à effrayer son auditoire : "rien que pour faire fonctionner les escalators de La Défense, il faut 180 personnes ! Puteaux ne payera pas 1 centime !", a t-il lancé. Espérons que sa méthode ne se retournera finalement pas contre la ville et les Putéoliens.
En tout cas, le grand marchandage de La Défense promet d'être chaud !
Christophe Grébert